La Fête de la Saint-Martin

La lumière du partage

A mi-chemin entre la fête de la Saint-Michel et celle de Noël, la Saint-Martin, célébrée le 11 novembre, rappelle la figure de Martin, officier de l’armée romaine qui vécut au IVème siècle, et est connu de tous pour avoir partagé son manteau avec un mendiant transi de froid.

De nombreuses écoles Waldorf implantées dans des pays de tradition chrétienne se souviennent de ce geste charitable et organisent de belles célébrations, très attendues par les enfants. En faisant le choix de célébrer les fêtes locales qui reflètent les coutumes et les croyances des pays, les écoles Waldorf contribuent au sentiment d’appartenance nécessaire à l’équilibre des enfants, mais si elles prennent au sérieux la vie spirituelle, elles font le choix de la cultiver de façon laïque. Sous quelle forme cette fête est-elle célébrée et quelle est donc sa signification dans ce cadre non confessionnel?


Les traditions autour de la Saint-Martin

Les écoles qui décident de célébrer cette fête du partage le font de diverses manières, mais l’on retrouve souvent une saynète jouée par une classe pour les enfants de l’école, qui reprend la rencontre désormais légendaire entre Martin, officier dans l’armée romaine et un pauvre homme transi de froid. Ayant déjà distribué sa solde très généreusement, il ne lui reste que son manteau, qu’il partage de bon coeur. La nuit qui suit son geste généreux, il rêve du mendiant et décide de quitter l’armée romaine pour consacrer sa vie au service de son Dieu et des hommes.

Confection de lanterne EG

Mais l’activité que les enfants préfèrent par-dessus tout lors de cette célébration est la marche aux lanternes, qui rassemble les élèves, leurs parents et les pédagogues à la nuit tombée. Ils se mettent en route dans la pénombre, éclairés par des lanternes confectionnées en classe. Dans certains établissement, on profite de l’occasion pour encourager une collaboration entre les plus jeunes et leurs aînés : la pédagogie Waldorf est aussi une pédagogie du vivre ensemble. Le soir venu, les écoliers sont très fiers de faire admirer à leurs parents le résultat de leurs efforts communs. Ensemble, ils se mettent en route en chantant des refrains qui célèbrent la lumière apportée au coeur de la nuit par le geste généreux de Martin. Puis, de retour à l’école, tout le monde se rassemble pour un moment de partage et de convivialité autour d’une bonne soupe et d’un bout de pain, cuisinés par les élèves avec des ingrédients fournis par toutes les familles.

Le sens de cette fête au sein de la pédagogie Waldorf

On peut être surpris de la place prise dans les écoles Waldorf par ce personnage de la tradition chrétienne, mais les écoles Waldorf font le choix de célébrer les fêtes liées aux traditions des pays dans lesquels elles sont implantées, et dans les pays de tradition chrétienne, cette fête trouve sa place après celle de l’équinoxe d’automne traditionnellement célébrée sous les traits d’un archange: Saint Michel.  La Saint-Michel appelait au courage nécessaire pour entrer dans l’automne, mais arrivés en novembre, la froide saison s’est bien installée, les jours sont devenus plus courts, le temps venteux et pluvieux, et il faut beaucoup de force intérieure pour poursuivre son chemin à travers cette nature qui ne nous porte plus. Les forces de lumière et de courage recueillies à la Saint-Michel ont besoin d’être ravivées pour pouvoir traverser l’hiver. En confectionnant leurs lanternes, les enfants protègent la flamme vacillante de leur courage invoqué à l’entrée de la saison froide et ils vont faire briller cette flamme tout au long de l’hiver.

lanternes de la Saint Martin« Je marche avec ma lanterne, ma lanterne marche avec moi, là-haut brillent les étoiles, et moi j’éclaire ici-bas… » chantent les enfants lors de la marche. Ce thème de la lumière intérieure qui éclaire autrui sera repris lors des célébrations de l’Avent que les enfants célébreront avant Noël. Il est aussi une jolie illustration de l’effet de la générosité démontrée par Martin, qui réchauffe les cœurs et les corps au cœur de la saison froide.

La symbolique de la lumière dans d’autres traditions

Et comme nous l’avons évoqué dans l’article sur la Saint Michel, ces marches aux lanternes qui réunissent les enfants à la nuit tombée trouvent un écho dans d’autres cultures, comme lors du festival de la Mi-Automne célébré en Asie, qui offre des similitudes troublantes avec la fête de la Saint Martin telle qu’elle est célébrée chez nous. En Inde, vingt jours après la fête de Dussehra qui, comme la Saint Michel, marque à la fois l’arrivée de la saison froide et la victoire du bien sur le mal, on célèbre Diwali, “la fête des lumières” : les hindous allument des petites lampes en terre cuites pour célébrer le retour de Rama et de son épouse Sita dans leur royaume.

Le symbole de la lumière au cœur de la nuit nous réunit, par-delà les frontières, et l’image du partage d’un manteau, reprise par tant de peintres à travers les âges, parle aux enfants et à leurs parents…

Ensemble célébrons le partage et la solidarité, qui nous réchauffent le coeur et nous permettent d’avancer quand les temps sont difficiles !