La Nature : soutien au bien-être et aux apprentissages
L’exemple de la cour de récréation
Quels souvenirs gardez-vous de la cour de récréation ? D’y avoir joué à la corde à sauter, aux billes, à la marelle ou de vous y être bagarré ? D’avoir contemplé le ballet des abeilles et des papillons, volant d’une fleur épanouie à une autre ou d’avoir trébuché contre les grilles enserrant les racines « d’un arbre dans la ville », chanté par Maxime Le Forestier ? Qu’avez-vous appris dans cette cour de récréation ?
Les effets de la végétalisation des cours de récréation
Dans leur étude « La cour et son espace vert dans les écoles algériennes : cas de la ville de Batna » Djemaa Barrou, Meriem Saada et Ahmed Reda Melakhsou rappellent que les enfants scolarisés passent la plus grande partie de leur temps à l’école. Qu’il est donc important qu’ils s’y sentent bien et que ce bien-être contribue à leur réussite scolaire. Parmi les éléments favorisant le bien-être des élèves figure la cour de récréation. « La cour de récréation et ses différents aménagements, dont l’espace vert est l’élément principal, peuvent être considérés comme une pièce maîtresse à l’intérieur de l’école. »
Végétaliser les cours de récréation est devenu une tendance internationale relèvent ces universitaires. Cette initiative repose sur de nombreux travaux de recherche grâce auxquels le rôle primordial de la nature, pour le bien-être et le bon déroulement des apprentissages des enfants, est mis en évidence. « Certains travaux entre autres ceux de David Sobel et Robin Moore précisent que cette époque de la vie de l’enfant où l’interaction avec la nature dans la cour d’école est cruciale. » Dans d’autres études, il est rendu compte d’un meilleur développement des enfants qui bénéficient d’un environnement verdoyant, et plus encore, cette amélioration est constatée tant dans le cadre personnel que scolaire. Les tests passés par ces enfants mesuraient leurs capacités cognitives, leur mémoire de travail, leur concentration et l’évolution de leurs performances.
Promenons-nous dans les bois…
De la cour de récréation aux bois avoisinants, il n’y a qu’un pas, franchi allègrement, par n’importe quel temps. Parmi les réseaux proposant une pédagogie basée sur la Nature, existent, en France, le RPPN – Réseau de Pédagogie Par la Nature – et Tous dehors.
Ils s’inscrivent dans une pratique développée depuis le XIXe siècle dans les pays scandinaves. D’abord en Suède, avant de s’étendre dans les pays voisins. Au Danemark par exemple, c’est initialement, pour répondre au manque de places dans les structures d’accueil des enfants, que ce projet a été mis en place. En Angleterre, ce fonctionnement existe depuis le début du XXe siècle. Il s’est développé au milieu des années 20 aux USA. Aujourd’hui, il est répandu dans de très nombreux pays, en Europe et sur d’autres continents. Plusieurs centaines de ces écoles, sous différents labels, permettent ainsi à des enfants, conformément aux résultats mis en évidence dans de multiples travaux de recherche, d’améliorer leur santé, leur bien-être et leurs apprentissages. Mais ces écoles sont à la peine en France, comme le sont, tristement, diverses initiatives pédagogiques alternatives. Et ce, malgré la liberté légale des parents à choisir le mode d’instruction de leurs enfants. Paradoxalement, l’Education nationale semble copier ces pratiques et tenter de se les approprier.
La Nature et la cour de récréation dans les écoles Waldorf
La prise en compte, dans la pédagogie Steiner-Waldorf, de l’importance de la Nature et de la beauté qu’elle apporte, n’est plus à démontrer. D’ailleurs, à l’étranger, des équipes pédagogiques d’établissements scolaires s’en inspirent. En effet, à chaque âge et niveau d’apprentissage, la Nature accompagne les enfants, comme cela est montré dans cette vidéo réalisée à l’école Waldorf de Genève.
A Resson, dans la Meuse, l’école maternelle et élémentaire, Les Trois Cailloux, a mené à terme la végétalisation de sa cour de récréation en permaculture. Le montage de ce projet a nécessité une longue réflexion que l’école partage avec ceux qui sont intéressés pour s’engager dans une démarche similaire. Outre l’implication des parents, un financement participatif sur la plate-forme Ulule a été lancé. Grâce à une multitude de soutiens, y compris institutionnels, ce projet a été finalisé et cette école est désormais « ambassadrice et école pilote pour la Lorraine et la Champagne-Ardennes » dans ce domaine. La biodiversité y est devenue si riche que les enfants peuvent sentir, toucher, goûter, voir les plantes, écouter les animaux, soit donc, suivre, en vrai, des leçons de choses faisant appel à tous leurs sens.
La parution du livre de l’auteur et journaliste américain, Richard Louv, Last Child in the Wood, lui a permis de populariser son concept de « déficit de nature. » Ce livre a été traduit en français sous les titres Mettez vos enfants au vert, La clé oubliée de leur épanouissement et Une enfance en liberté, Protégeons nos enfants du syndrome de manque de nature. L’étude sur les écoles de Batna et la concrétisation du projet de Resson démontrent la nécessité, pointée par les chercheurs algériens, d’une coopération entre différents acteurs : les usagers habituels de l’école : les enfants et les enseignants, mais aussi les parents, auxquels s’ajoutent des architectes et des jardiniers. Car, constatent les chercheurs, « ..tous les lieux, toutes les zones d’une école doivent servir à l’apprentissage des enfants. (…) L’aménagement de la cour est donc une œuvre d’éducation et ne peut être ni négligé ni placé au second plan. La cour de récréation idéale serait l’aboutissement d’un projet d’aménagement conçu en collaboration avec les spécialistes (paysagistes), les élèves et l’équipe éducative. »
Pour lire l’étude complète, publiée dans la revue Architecture et environnement de l’enfant. Laboratoire Enfant, ville et environnement, Université de Batna 1, Algérie, n°1, février 2018
Bernadette Nozarian