La pédagogie d’urgence

Comprendre, prévenir et accompagner les impacts des traumatismes

Dans un monde traversé par des crises successives, les enfants comme les adultes sont de plus en plus exposés aux effets du traumatisme. Depuis près de vingt ans, la pédagogie d’urgence — issue de la pédagogie Waldorf — propose des outils concrets pour restaurer un espace intérieur de sécurité, soutenir la résilience et accompagner les processus de guérison. Née sur les terrains de guerre et de catastrophes naturelles, elle trouve désormais sa place dans les écoles et les lieux d’accueil, partout où les enfants ont besoin d’être accompagnés avec humanité, présence et confiance.


Pourquoi une « pédagogie d’urgence » ?

Mission auprès d'enfants réfugiés de Gaza en Egypte
Mission auprès d’enfants réfugiés de Gaza en Egypte

Le concept de pédagogie d’urgence est né en 2006, lorsque Bernd Ruf et une équipe d’enseignants accompagnèrent une classe de lycéens libanais sur le chemin du retour après un séjour en Allemagne. Leur pays venait d’entrer en guerre avec Israël : il fallait agir, et vite.
L’équipe enseignante fit alors ce qu’elle savait faire de mieux : offrir un espace intérieur rassurant, jouer, entrer en mouvement, pratiquer les arts — musique, dessin de formes, peinture — et le faire avec joie, car la joie guérit. Grâce à ce travail, de nombreux traumatismes furent évités ou rapidement surmontés.

Sous l’impulsion de Bernd Ruf, cette approche s’est ensuite déployée dans le monde entier, sur des lieux de catastrophes naturelles (séismes, inondations, incendies) comme de catastrophes humaines (guerres, attentats, exodes de migrants).

Peu à peu, à force d’expérience et de réflexion, la pédagogie d’urgence s’est élargie vers une véritable pédagogie du traumatisme : comment contribuer à soigner les conséquences pathologiques de traumatismes plus anciens, y compris les plus graves — ceux infligés à de très jeunes enfants par des personnes proches, censées les protéger.


Pas une thérapie, mais une pédagogie

Ce qui distingue la pédagogie d’urgence de l’accompagnement psychologique, thérapeutique ou médical, c’est le constat que certains outils propres à la pédagogie Steiner-Waldorf n’ont pas seulement un rôle éducatif et préventif. Leur pratique régulière, ritualisée et approfondie crée un espace favorable à la guérison.

Dans les classes, il arrive que les comportements ou les difficultés d’apprentissage d’un enfant laissent les enseignants démunis. Ces situations sont souvent liées à des traumatismes anciens, mal résolus, auxquels s’ajoutent parfois des peurs nourries par les dérèglements sociaux et climatiques.
L’enfant voit alors le thérapeute seulement de façon ponctuelle, tandis qu’il est présent chaque jour à l’école comme à la maison. S’il trouve dans ces lieux un « espace sûr », le travail thérapeutique devient plus efficace et les capacités d’apprentissage, comme les comportements, ont davantage de chances d’évoluer positivement. Comment créer cet espace sûr ?

L’école comme lieu sûr — pour les enfants, mais aussi pour les professeurs

Travail auprès d’enfants à Madagascar : réalisation d’une montgolfière collective

Plusieurs éléments nourrissent ce sentiment de sécurité :

  • Le soin apporté à l’environnement : bâtiment, salle de classe, organisation.

  • Le rythme et les rituels : dans chaque heure de cours, mais aussi au fil des journées, des semaines et des saisons.

  • La qualité de la relation : attention, empathie, fermeté non violente.

  • Un enseignement enraciné dans une compréhension profonde du monde et qui répond au besoin de sens de chacun.

Ces éléments gagnent en efficacité lorsqu’ils trouvent un écho dans les familles.
Mais ils deviennent fragiles dès que les professeurs sont sursollicités, épuisés, exposés au découragement voire au burn-out. Le travail empathique les rend vulnérables : ils peuvent être comme « touchés » par les traumatismes des enfants qu’ils accompagnent — et il en va de même pour les parents.

C’est pourquoi les enseignants ont, eux aussi, besoin d’outils pour se régénérer, retrouver de l’élan, et transformer les résistances en occasions de croissance — pour les enfants comme pour eux-mêmes.

Vers toujours plus d’urgence ? Être professeur aujourd’hui

Hypersensibilité, fragilité émotionnelle, troubles de l’attention, dépressions, violences scolaires, harcèlement, peurs multiples — insécurité, environnement, guerre — exacerbées par la surinformation qui atteint même les plus jeunes… Ces phénomènes, désormais largement documentés, touchent presque tous les enfants (et les adultes). Ils s’ajoutent aux traumatismes individuels que certains subissent.

Deux nécessités s’imposent alors :

  1. Renforcer la mission éducative pour accompagner ces réalités nouvelles.

  2. Développer des capacités de protection et de régénération, indispensables pour durer dans le métier.

Que propose la pédagogie d’urgence ?

Outre son action de terrain en situations exceptionnelles, la pédagogie d’urgence propose des formations permettant de :

  1. Comprendre et repérer les traumatismes, leurs causes et leur évolution.

  2. Acquérir des outils concrets pour le quotidien, destinés à toutes les personnes actives auprès d’enfants : professeurs, jardinières d’enfants, responsables de crèche…

  3. Renforcer la résilience et la capacité de régénération de ces personnes.

En France, l’Association Pédagogie d’Urgence-France assure ces formations et s’efforce de les adapter aux besoins spécifiques des lieux où elle intervient.

Ressources

Pour l’Association Pédagogie d’Urgence-France
Praxède et Henri Dahan