L’anthroposophie et l’école Waldorf
Quel est l’apport de l’anthroposophie à la pédagogie ?
L’objectif de la pédagogie Waldorf est de permettre à chaque enfant de devenir autonome et de trouver le chemin qui lui convient. Expérience de soi et expérience du monde sont les deux piliers qui lui donnent la possibilité de découvrir sa créativité propre : ne pas adhérer à des idées ou à des normes « toutes faites », mais élaborer librement son propre rapport au monde. Pour mettre en oeuvre des pratiques pédagogiques cohérentes avec un tel objectif, la pédagogie Waldorf s’inspire des recherches pédagogiques de l’anthroposophie.
Qu’est-ce que l’anthroposophie ?
Le concept d’une anthroposophie conçue comme une « science de l’esprit » émerge au début du 19e siècle dans l’histoire européenne comme une demande de l’anthropologie scientifique et psychologique au sein de la Naturphilosophie allemande. Portée par un courant d’humanisme chrétien issu de la Renaissance, parfois appelé « théosophie chrétienne », et connu à travers des auteurs comme Paracelse (1493-1541) ou Jakob Böhme (1575-1624), cette Naturphilosophie émergea en Allemagne à la fin du 18e siècle et cherchait à comprendre l’esprit humain comme expérience de liberté tout en explorant son lien profond avec la nature.
Alors que l’être humain s’émancipait de la nature en développant une conscience libre ainsi qu’une civilisation hautement technique, il était question de retrouver son lien intérieur avec la nature d’une manière nouvelle, sur la base d’une conscience moderne. Pour cela une connaissance vivante devait être développée, où l’art et la science se réunissent, où les questions métaphysiques étaient prises au sérieux. Au coeur de cette Naturphilosophie se trouve la célèbre figure de Goethe (1749-1832), entouré par tous les grands esprits de l’idéalisme allemand : Hegel (1770-1831), Fichte (1762-1814), Schelling (1775-1854), ou encore des poètes-penseurs comme Schiller (1759-1805) ou Novalis (1772-1801). Plus tard au 19e siècle, le médecin suisse I. P. V. Troxler (1780-1866), élève de Schelling, fut un des principaux promoteurs d’une anthroposophie conçue comme une nouvelle science vivante de l’esprit, élargissant l’image de l’être humain et de son lien avec nature.
Au tournant du 19e au 20e siècle, Rudolf Steiner (1861-1925), qui étudia et travailla durant près de 20 années à Vienne puis à Weimar où ces courants de pensée s’étaient concentrés, donna à cette anthroposophie une forme plus systématique sous laquelle on la connaît aujourd’hui. Comme ses prédécesseurs, il se fonda, au plan épistémologique et méthodologique, sur une confrontation avec la philosophie de Kant, et se rattacha en particulier à la méthode développée par Goethe dans ses travaux scientifiques, dont il était un spécialiste reconnu.
Alors que l’être humain s’émancipait de la nature en développant une conscience libre ainsi qu’une civilisation hautement technique, il était question de retrouver son lien intérieur avec la nature d’une manière nouvelle, sur la base d’une conscience moderne.
Suivant une démarche empirique intérieure (psycho-spirituelle) telle qu’elle avait été amorcée dans la Naturphilosophie, Steiner approfondit sous de multiples perspectives les rapports entre le microcosme (l’être humain) et le macrocosme (l’univers), tout en soulignant toujours l’axe central de la dignité humaine : la liberté individuelle. Son ouvrage majeur, qu’il considérait comme le plus important, s’intitule « La Philosophie de la liberté », et il se sentait proche de l’anarchiste chrétien Max Stirner (1806-1856). Il développa ensuite peu à peu cette anthroposophie pendant 25 ans sous une forme unique en son genre, très étendue et différenciée, d’abord sous forme d’écrits, puis par d’innombrables conférences faites dans de nombreux contextes et pays d’Europe. Ces conférences, qui constituent la majeure partie de son oeuvre publiée, doivent aujourd’hui être abordées avec beaucoup de précautions, car elles furent transcrites à l’écrit sans qu’il ait pu les relire et les corriger. À l’époque, des collaborateurs issus des domaines culturels et professionnels les plus variés participèrent à l’élaboration et au développement de ces recherches, en suivant ses conseils, jusqu’à sa mort en 1925, puis en poursuivant leurs travaux dans des domaines très variés et des applications concrètes, notamment dans la médecine, la pédagogie, la pédagogie curative, l’agriculture, l’art, la religion, la vie sociale, etc.
Dans son principe, cette anthroposophie voudrait répondre au besoin de ceux qui cherchent à approfondir, dans un esprit moderne, indépendant et scientifique, les grandes questions de l’existence et la dimension spirituelle de la vie, dans une perspective de développement intérieur et d’enrichissement de la vie pratique. L’anthroposophie n’est pas une doctrine à laquelle il faudrait adhérer, mais une démarche de connaissance qui incite l’homme à réfléchir et à porter son attention sur les phénomènes du monde en développant un regard plus profond sur les réalités psycho-spirituelles. Les travaux issus de la Naturphilosophie, les ouvrages de Rudolf Steiner et les recherches qui se sont développées sur cette base jusqu’à ce jour permettent d’élaborer des concepts vivants qui favorisent une compréhension active de cette dimension intérieure, spirituelle de la vie.
Une pseudo-science ?
Dans le cadre d’une conception du monde matérialiste réductionniste, qui nie l’existence de toute réalité psycho-spirituelle objective, il va de soi que l’anthroposophie est privée de toute justification scientifique. C’est le reproche qui lui est généralement fait par ceux qui ne l’approfondissent pas. La méthode de connaissance que propose l’anthroposophie n’est pourtant ni vague, ni occulte et nébuleuse, ni anti-scientifique, mais repose, comme les mathématiques ou la philosophie de Hegel, sur un développement exercé de la pensée. D’un autre côté, à l’image des recherches menées par Goethe sur les plantes ou sur la nature des couleurs, elle se base sur une observation précise des phénomènes sensibles.
Le caractère scientifique de l’anthroposophie repose sur l’exigence d’une approche empirique, même si cet empirisme concerne l’expérience intérieure ; cette dimension intérieure de l’expérience est ce qui la différencie des autres sciences.
Du fait que l’anthroposophie, quand elle expose ses découvertes, livre en même temps la méthode permettant d’y accéder, elle est compatible avec l’exigence de réfutabilité formulée par Karl Popper comme critère de scientificité. Une proposition issue de la recherche anthroposophique touchant à la dimension psycho-spirituelle ne peut cependant être vérifiée qu’en suivant sa méthode spécifique et la confirmation sera une expérience intérieure et individuelle. Lorsque des applications pratiques découlent de ces recherches, comme en agriculture, en médecine ou en pédagogie par exemple, les praticiens n’hésitent pas à soumettre les résultats de leur travail à des études fondées sur les critères méthodologiques de la recherche scientifique universitaire. Ces recherches universitaires ont d’ailleurs beaucoup progressé en dévoilant parfois des aspects encore inconnus et ouvrant de nouvelles perspectives. La recherche anthroposophique ne cherche pas à faire concurrence à la démarche scientifique universitaire, au contraire, elle propose seulement de la compléter, souhaitant avancer main dans la main avec elle ; cette collaboration vise un enrichissement mutuel dans la production de connaissances. De nombreux instituts de recherches et des laboratoires travaillent quotidiennement à ces recherches en impliquant les connaissances scientifiques les plus récentes. Il existe en Allemagne plusieurs hôpitaux anthroposophiques ayant une activité de recherche universitaire. Les laboratoires cosmétiques et pharmaceutiques Weleda, qui basent leurs recherches sur l’anthroposophie, jouissent d’une excellente réputation quant à la qualité de leur mode de production et de leurs produits et mettent régulièrement de nouveaux médicaments sur le marché, conformes aux exigences des autorités sanitaires.
Malgré le succès de plus en plus évident des réalisations pratiques de l’anthroposophie partout dans le monde, il s’avère cependant que la particularité de sa méthode n’a pas été assez mise en avant par ses nombreux promoteurs, ce qui n’a pas facilité la compréhension du grand public. Cela s’ajoute au fait que, pendant longtemps, beaucoup ne voyaient pas l’intérêt concret de cette démarche. On peut aussi déplorer que certains anthroposophes aient parfois adopté une attitude dogmatique, voire quasi religieuse, alors que l’anthroposophie est au contraire une recherche adaptative et vivante, alliée à un esprit rigoureux. Elle ne consiste pas à répéter des citations de Goethe ou de Steiner, et encore moins à plaquer des schémas figés sur la réalité ou à nourrir des superstitions. Ces différents facteurs ont contribué à la propagation d’une vision dénaturée de l’anthroposophie : pseudo-science, élucubrations d’un seul homme, mysticisme, occultisme… Cette vision déformée est encore aujourd’hui souvent divulguée et entretenue par certains médias qui ne se donnent pas la peine de s’y intéresser sérieusement ou honnêtement. Mais aujourd’hui, à l’heure où la crise écologique est patente, où le besoin d’éduquer l’enfant de manière créative devient évident, où l’intérêt d’une agriculture ou d’une médecine plus globales et plus naturelles ont pu être constatés, sa pertinence peut être de mieux en mieux comprise. Une anthroposophie bien comprise allie une démarche critique, rigoureuse, non dogmatique, avec un esprit ouvert, sans préjugés, et une approche méditative et contemplative approfondie et exercée.
Au centre de l’anthroposophie se trouve le potentiel de liberté de l’homme. L’anthroposophie ne serait pas concevable sans Descartes, Rousseau et Kant, par exemple. Elle s’appuie sur la grande idée des Lumières et veut la mener un pas plus loin.
Le fait que Steiner ait travaillé durant 10 années au sein du mouvement théosophique plutôt orientaliste de Helena Blavatsky (1831-1891) – ce qui était pourtant le cas de nombreux artistes et chercheurs à l’époque : Wassily Kandinsky, Piet Mondrian, Alexandre Scriabine, Maria Montessori, Thomas Edison, William Crookes, Camille Flammarion … – a sans doute aussi contribué à créer cette vision caricaturale de l’anthroposophie. Cette théosophie d’orientation orientaliste manquait souvent de rigueur et accordait peu d’importance à la pensée rationnelle de tradition européenne, aux Lumières et à la Naturphilosophie. Steiner était dès le début en profond désaccord avec certaines méthodes pratiquées dans le sein du mouvement théosophique (spiritisme, médiumnisme …). Pour sa part, il a toujours défendu l’importance d’une démarche de pensée rigoureuse et éclairée, fondée sur une observation, qu’elle soit extérieure ou intérieure, aussi précise que les mathématiques. Il a sans cesse fait appel à l’esprit critique de ses auditeurs et souligné qu’il inscrivait sa recherche dans l’esprit des penseurs de la Naturphilosophie, eux-mêmes héritiers de la modernité des Lumières. Connaître signifie se confronter activement au réel, en interrogeant encore et toujours les phénomènes, et en cherchant à les expliciter par la découverte des concepts correspondants. Il s’agit d’une phénoménologie des objets sensibles et de la conscience, au sein de laquelle l’être humain devient conscient de sa participation active à l’élaboration de la réalité, et de sa responsabilité dans l’ordre du monde.
Cette différence d’approche mena à une séparation entre la théosophie, d’influence orientale, et l’anthroposophie, qui plongeait ses racines dans la tradition européenne sans cependant rejeter l’apport de l’Orient. Au centre de l’anthroposophie se trouve le potentiel de liberté de l’homme. L’anthroposophie ne serait pas concevable sans Descartes, Rousseau et Kant, par exemple. Elle s’appuie sur les grandes idées des Lumières et veut les mener un pas plus loin. Les Lumières ont en effet mis à jour le potentiel de liberté de l’être humain qui pense par lui-même, la rationalité et la maîtrise de la nature, mais elles lui ont fait payer cette découverte par la perte de sa dimension spirituelle et de son lien avec la nature. Depuis lors, il fallait choisir entre la liberté et la spiritualité, entre la modernité et la nature. L’anthroposophie veut relier ces deux domaines en ouvrant une voie qui permette à l’homme de trouver le spirituel dans la liberté, la nature dans la modernité.
Que puise la pédagogie Steiner Waldorf dans l’anthroposophie ?
La démarche anthroposophique permet l’élaboration d’une anthropologie non réductionniste, qui ne limite pas l’être humain à un mécanisme biologique complexe, car cette conception réductionniste n’offre pas de place à l’idée d’individualité et de liberté. Contrairement à une conception matérialiste, l’anthropologie anthroposophique étudie comment la dimension corporelle et la dimension spirituelle (individualité et psychisme) se rencontrent et collaborent harmonieusement durant le développement naturel de l’enfant, et quelles sont les conditions favorables à cette rencontre.
La démarche anthroposophique permet l’élaboration d’une anthropologie non réductionniste, qui ne limite pas l’être humain à un mécanisme biologique complexe, car cette conception réductionniste n’offre pas de place à l’idée d’individualité et de liberté.
La pédagogie Waldorf est intégrative : elle tire parti de tous les champs de recherche anthropologiques et pédagogiques, comme les neurosciences, la psychologie etc. L’anthropologie anthroposophique est un domaine de recherche très vaste qui ne peut être détaillé ici. L’axe principal est constitué par la tripartition de l’être humain entre la pensée, le sentiment et la volonté, à travers les systèmes neuro-sensoriel, rythmique et métabolico-moteur. Elle permet de parvenir à une image globale et vivante de l’être humain qui ouvre des perspectives très fécondes en pédagogie. Pour illustrer concrètement de quelle façon la démarche anthroposophique peut féconder une pédagogie d’aujourd’hui et faire face aux défis du futur, on peut retenir quelques idées-clés.
1. Une approche globale de l’être humain
Un enseignement s’inspirant de l’anthroposophie implique d’envisager l’être humain comme un être complet. La pédagogie Waldorf reprend ici volontiers l’image du pédagogue suisse Johann Heinrich Pestalozzi (1746-1827): mains, cœur et tête, qui exprime les trois dimensions de la vie intérieure : pensée, sentiment, volonté. L’être humain apprend en faisant, en ressentant ce qu’il fait, et en comprenant ce qu’il ressent. Chaque enfant chemine à sa façon et à son rythme. La tâche de l’enseignant-éducateur est de l’accompagner dans son cheminement individuel en lui apportant de quoi former ces trois dimensions de sa personnalité. Même si chaque enfant est différent, certains étant plus volontaires, d’autres plus sensibles, d’autres plus intellectuels, il s’agit de ne pas dévaloriser les uns par rapports aux autres et d’offrir une éducation harmonieuse et globale. Cela permet à chacun d’être reconnu dans ses qualités et d’éviter que des tendances deviennent des déséquilibres. Le pédagogue va toujours prendre soin de nourrir toutes les dimensions de l’être humain.
2. Une pédagogie du « Je »
Dès son plus jeune âge, l’enfant est considéré comme un «Je» à part entière. La pédagogie Waldorf s’attache à respecter l’individualité de l’enfant, ce qu’elle apporte avec elle d’original et qui se déploiera dans une biographie unique et une signature toute personnelle. Elle veut éduquer les élèves pour qu’ils puissent s’épanouir tels qu’ils sont et non pas d’après ce que les adultes voudraient leur imposer. Il s’agit d’éveiller et de renforcer l’autonomie de l’enfant, dans sa volonté, sa vie affective et sa vie intellectuelle, et non de transmettre des normes et un « savoir qui descend d’en haut ».
La pédagogie Waldorf s’attache à respecter l’individualité de l’enfant, ce qu’elle apporte avec elle d’original et qui se déploiera dans une biographie unique et une signature toute personnelle.
L’activité de réflexion des élèves, leur processus individuel de compréhension, de créativité et d’engagement y sont encouragés de façon intensive. La pédagogie inspirée de l’anthroposophie est donc d’abord une « pédagogie du Je ». « Il n’existe pas d’autre éducation que l’auto-éducation » affirme Steiner. Or cette éducation du « Je » n’est souvent pas prise en compte à notre époque, où l’on considère généralement l’être humain dans un sens déterministe, plutôt que comme un être capable de liberté, qui se crée et se développe à partir de lui-même. Considérer que l’être humain est d’abord un «Je» sous-entend qu’il a besoin de «Tu» autour de lui pour s’épanouir, avec la confiance qu’il trouvera sa place dans l’espace social s’il parvient à être lui-même.
3. L’évolution de la conscience
La conscience de l’enfant n’est pas la même que celle de l’adulte. L’enfant est déjà une individualité originale et entière, mais sa conscience n’est pas encore de la même nature que celle de l’adulte. Le petit enfant vit encore dans une conscience de rêve qui demande à être nourrie d’images riches, évoluant avec son âge. Tout comme l’humanité a traversé toute une évolution menant d’une pensée mythique, imagée, rêvée, à une pensée formelle et rationnelle, l’enfant traverse lui aussi ces étapes, et le grand patrimoine des contes, comptines, légendes, mythes et récits que les diverses traditions nous ont légué constituent un matériau idéal pour l’accompagner dans son éveil progressif. Il s’agit de ne pas violenter la conscience de l’enfant en lui imposant trop tôt la conscience de l’adulte, mais de l’accompagner progressivement pour qu’il puisse aborder la rationnalité avec d’autant plus d’intérêt et de passion lorsqu’il en aura la maturité. La société contemporaine a tendance à tirer prématurément l’enfant dans le monde et la conscience des adultes. Pour qu’ils puissent vraiment vivre leur enfance, les écoles Steiner-Waldorf se veulent être des espaces protégés qui leur permettent d’évoluer à leur rythme et progressivement.
4. L’humain, un être de volonté
L’enseignement est souvent considéré uniquement sous l’angle de l’acquisition de connaissances, mais l’être humain n’est pas seulement un être intellectuel. Une grande part de sa vie dépendra de ses forces de volonté. Plus l’être humain peut s’engager de manière productive dans la réalité pour la comprendre, plus il se confronte aux résultats de ses propres actes, plus il se réalise lui-même en tant qu’esprit autonome. Il doit pour cela rencontrer la réalité concrète du monde qui l’entoure de manière adaptée à son âge, tout en étant directe et sensible. Il peut ainsi se développer pour acquérir de plus en plus de liberté. L’augmentation de ses capacités se concrétise dans les résultats de ses actions quand il a la possibilité de rectifier ses erreurs. C’est ainsi qu’il développe son sens de la responsabilité. À l’école Waldorf, de nombreuses pratiques, activités manuelles, ateliers, jardinage, stages, etc. permettent aux enfants de se confronter à la réalité par l’action, maturant ainsi leurs forces de volonté. La scolarité Waldorf s’achève par les « chefs d’oeuvres » : la réalisation d’un projet individuel durant un an, au cours duquel l’élève pourra faire converger sa créativité, sa sensibilité et sa capacité d’entreprendre.
5. L’art, un espace de créativité
La personnalité humaine peut se développer grâce à un jeu constant entre connaître et agir. Le processus artistique réalise parfaitement ce va-et-vient entre l’extérieur et l’intérieur, c’est pourquoi la pédagogie Steiner-Waldorf lui accorde une place centrale. L’art y est omniprésent sous les formes les plus variées. À travers la musique, la peinture, la sculpture, le théâtre, le mouvement, l’enfant apprend à jouer avec le monde tout en le ressentant. D’une part, l’art permet une grande liberté d’expression personnelle et de créativité, mais il est aussi un espace d’éducation esthétique, de formation de la sensibilité.
La personnalité humaine peut se développer grâce à un jeu constant entre connaître et agir. Le processus artistique réalise parfaitement ce va-et-vient entre l’extérieur et l’intérieur, c’est pourquoi la pédagogie Steiner-Waldorf lui accorde une place centrale.
Dans la pratique artistique, l’enfant apprend à devenir un créateur sensible de sa propre vie, à agir en connaissance de cause, de manière flexible et adaptative. L’art offre un espace de jeu, au sens « sérieux », et met en oeuvre la maxime formulée par Schiller dans ses « Lettres sur l’éducation esthétique » : « L’être humain ne joue que là où il est humain au plein sens du terme, et il n’est pleinement humain que là où il joue. »
L’anthroposophie n’est pas enseignée à l’école Steiner Waldorf
Dans les écoles conventionnelles, ni les sciences de l’éducation, ni les sciences cognitives ne sont enseignées. De même, l’anthroposophie n’est pas enseignée aux enfants : cela contreviendrait aux objectifs et fondements de cette pédagogie. Ce principe fut clairement formulé par Rudolf Steiner dès la fondation de la première école Waldorf en 1929 à Stuttgart : « Nous ne créerons pas ici, à l’école Waldorf, une institution où sera enseignée une certaine conception du monde. […] L’anthroposophie n’est pas un objet d’enseignement. » Il a par ailleurs rendu attentif aux effets néfastes qui pourraient survenir pour les enfants si ce principe n’était pas respecté. La Fédération Pédagogie Steiner-Waldorf en France condamne donc fermement tout manquement à ce principe fondamental.
Des études universitaires indépendantes réalisées ces dernières années auprès d’un grand nombre d’élèves des établissements Steiner-Waldorf ont par ailleurs démontré que les écoles Steiner-Waldorf ne sont pas des vecteurs de diffusion de l’anthroposophie. Cela se constate au fait que la grande majorité des élèves n’a quasi aucune connaissance au sujet de l’anthroposophie et ne s’engage pas dans un domaine professionnel lié à l’anthroposophie.
Les pédagogues sont-ils anthroposophes ?
L’anthroposophie ne consiste pas en une conception du monde en laquelle il faudrait adhérer : elle constitue un champ de recherche et de réflexion, un espace de dialogue dans lequel chacun, quelles que soient les convictions personnelles, peut interagir et collaborer. Il n’est donc en aucun cas nécessaire d’être « anthroposophe » pour travailler dans un établissement Waldorf. Chacun est libre de se situer comme il l’entend et cette étiquette est en fait vide de sens. Le bon pédagogue n’est pas forcément celui qui se dit anthroposophe. La mobilité intellectuelle est nécessaire face à la richesse de la vie et la liberté individuelle reste le socle sur lequel s’appuie fermement la vie des écoles.