lycéens

L’orientation des élèves au lycée

Une préoccupation et une compétence de la pédagogie Waldorf

L’un des objectifs majeurs de la pédagogie Waldorf vise à permettre à chacun de développer ses facultés. A ce titre, le Lycée poursuit un double objectif : faire percevoir au jeune qu’un but est à sa portée et l’aider à mûrir les différents plans de l’autonomie. Dans ce contexte, la question de l’orientation est un révélateur d’un processus plus global. Comment ce processus est-il mis en œuvre en fin de parcours scolaire, lorsque les décisions prises engagent concrètement l’avenir ?


Appuyons-nous sur l’exemple de l’école de Verrières-le-Buisson, l’un des cinq établissements scolaires Steiner-Waldorf français à disposer d’un Lycée. Depuis cinq ans y sont accueillis des élèves jusqu’à la Terminale. Une équipe de professeurs mobilisés accompagne chacun dans la construction de son parcours scolaire de la fin du collège jusqu’à la finalisation de Parcoursup études post-bac. Un choix de spécialités varié permet à chaque jeune d’élaborer et d’éprouver la validité de son projet. Découvrons dans cet article comment l’accompagnement se déroule à chaque étape.

Troisième de Collège, le premier pas

Un entretien pour encourager le jeune à devenir acteur des choix qui le concernent.

Au cours de l’année de troisième de Collège, chaque élève est reçu par deux professeurs de son choix en présence de ses parents. Lors de ce rendez-vous, il est invité à réaliser une rétrospective de sa scolarité, et à exprimer comment il se situe sur le plan scolaire et comment il se projette dans l’avenir  (a-t-il déjà un intérêt fort pour un domaine d’activité, un souhait d’étude, une vocation particulière ?). Ce moment permet de placer modestement l’élève devant des choix futurs qui sont souvent peu définis, certes, mais qui sont néanmoins fondés sur tout un parcours d’élève et de jeune (activités extra-scolaires, hobby…). D’autre part, ce moment donne au jeune une impulsion de mise en mouvement par rapport à son propre avenir. Pour les parents, cet entretien permet également de réaliser que leur jeune devient en capacité de choisir  (par exemple, à court terme, de poursuivre ou non sa scolarité dans l’établissement).

Seconde de Lycée: choisir les spécialités de première

Un choix à l’intersection de ce à quoi j’aspire et ce dont je suis capable pour le moment

Au cours de l’année, les élèves vont bénéficier d’une présentation générale de chacune des spécialités existantes indépendamment de celles qui sont effectivement possibles à l’école, en incluant une information sur la voie technologique et les classes à horaires aménagés en musique, danse et théâtre. D’autre part, l’élève va être invité à observer comment il se perçoit dans chaque matière et les professeurs spécialistes vont expliciter les attentes des deux années suivantes.

Ensuite, en amont de la fiche navette officielle, l’élève, après avoir complété un questionnaire sur ses motivations et ses projets, va être reçu avec sa famille en présence des professeurs des spécialités envisagées. Le but est alors de concilier au mieux les aspirations et les capacités. Parfois plusieurs rendez-vous sont nécessaires pour finaliser la suite du parcours scolaire.

Première de Lycée : le choix de la spécialité « abandonnée »

Apprendre à renoncer

À la fin du premier trimestre, il est souvent possible d’avoir une idée déjà assez claire de la spécialité qui doit être abandonnée en fonction du niveau et de l’implication de l’élève, Mais c’est loin d’être toujours le cas : il est difficile d’abandonner une spécialité qui n’apparaîtra plus au baccalauréat alors qu’elle a coloré le parcours de l’élève. Reçu à nouveau en présence de deux professeurs, il continue d’affiner son projet et de le croiser avec ses compétences afin de prendre sa décision en mars de l’année.

Terminale : Parcoursup

Commencer à définir le projet post-bac

Dès septembre commence une série de cinq à six entretiens, toujours individuels. Le professeur principal peut être présent avec l’un ou l’autre des professeurs de spécialité au cours de repas d’orientation, un contexte relativement décontracté pour permettre un échange de jeune adulte à adultes. Progressivement, chaque élève élabore la formulation d’une dizaine de vœux pour février-mars. Les choix peuvent encore s’affiner, nourris par les échanges, jusqu’en mai. Quel que soit le domaine visé, le jeune est toujours invité à « panacher » ses vœux entre formations sélectives et non sélectives pour être sûr que l’un d’eux va aboutir.

C’est ainsi que depuis cinq ans, tous les élèves passent les épreuves du baccalauréat avec au moins une proposition sur Parcoursup, ce qui est bon pour le moral. Même si ce n’est pas forcément celle qu’ils souhaitent en premier, chacun est assez derrière ce qu’il a choisi pour s’en contenter le cas échéant.

Reprenons. Dès avril-mai, il faut classer les vœux. Le professeur responsable suit la liste d’attente de Parcoursup pour que les élèves se préparent aux propositions susceptibles d’émerger et puissent y répondre rapidement. En parallèle, de manière éthique, les élèves sont sensibilisés à ne pas retenir des places inutilement.

Malgré le soutien très structuré de l’école, les parents ne doivent pas oublier de rester conscients et solidaires du processus qui engage l’avenir de leurs enfants.

Depuis cinq ans, chaque lycéen de l’école Steiner de Verrières-le-Buisson a obtenu son bac et a vu son projet entériné sur Parcoursup avec un nombre conséquent d’élèves qui ont obtenu leur premier choix.

S’orienter au Lycée Steiner-Waldorf c’est aussi s’orienter dans le monde

Indépendamment de l’accompagnement soigné d’une équipe, les élèves participent dans le cadre de leur scolarité de lycéens à d’autres projets qui vont contribuer à une meilleure connaissance de soi, des autres et du monde et donc à un choix plus éclairé concernant leur propre avenir.

  • En Seconde, il est ainsi possible de réaliser un échange linguistique à l’étranger qui peut durer jusqu’à 3 mois.
  • De la Troisième de Collège à la Première de Lycée les élèves effectuent trois stages de deux semaines dans trois domaines d’activités différents : le milieu agricole puis industriel et enfin social. Ces stages font entrer le jeune dans la réalité de la vie professionnelle avec ses joies et ses contraintes. S’ils contribuent parfois à nourrir une vocation ce n’est pas leur but premier.
  • En Première de Lycée, « le chef d’œuvre » (ou travail de fin de cycle) est un projet que l’élève choisit et concrétise pendant une demi-année, seul (avec l’aide d’un tuteur technique si besoin) et accompagné par un professeur de son choix. Ce travail est ensuite présenté devant la communauté des parents, élèves et professeurs. Il permet au jeune de mieux se connaître (motivations, manière de travailler, créativité, gestion des émotions…), de gagner en confiance en soi et devant un auditoire pour défendre ce qui lui tient à cœur.

Notons enfin que les classes de Première et de Terminale sont hors contrat (ce qui n’altère pas la prise en compte des attentes du programme). De ce fait, les élèves ne sont pas soumis au contrôle continu et doivent passer davantage d’épreuves pour obtenir le  baccalauréat. Cela peut-être vu comme un inconvénient. Certes, le contrôle continu supprime le côté aléatoire de tout examen mais il retire aussi au lycéen, la possibilité de maturer sans évaluation définitive,  des compétences et des connaissances jusqu’à l’épreuve finale.

Une scolarité pour s’orienter vers l’autonomie

L’autonomie ne se décrète pas. On confond souvent l’émergence d’une autonomie extérieure avec la faculté vraiment mature qui engage l’intériorité. Par exemple, un enfant peut être capable de prendre son bus seul mais sans pouvoir prendre en charge toutes les conséquences de cette autonomie. Dans le contexte scolaire, le geste du pédagogue consiste à essayer de créer les conditions qui permettent à cette faculté d’aboutir grâce à un processus structuré et dans  un cadre bienveillant mais un cadre tout de même et ce depuis … le jardin d’enfants ! Pour le jeune enfant il s’agira de développer son autonomie corporelle ; puis au Primaire et au Collège, d’exercer le lien entre soi et le monde dans toutes les matières et au Lycée enfin de se mettre en mouvement vers un horizon singulier,  propre à chacun.

Dans ce sens, la déclinaison des fondements pédagogiques dans le curriculum Steiner n’est pas une succession de projets de la petite enfance à l’âge adulte mais est conçue à partir de l’identification des besoins spécifiques à chaque tranche d’âge afin que le lycéen soit en mesure de se positionner en tant qu’individu avec un projet qui lui est propre et des facultés qui lui permettent de l’identifier.

C’est pourquoi, s’il est légitime que les professeurs accompagnent le parcours du Lycéen,  il ne s’agit pas de le faire passer de la tutelle des parents à celle des professeurs, en ayant chacun une idée de ce qui serait « bon » pour lui.

Enfin, c’est cette autonomie prise en confiance qui devrait permettre à chaque jeune d’assumer ses choix et de poursuivre son parcours sur sa propre énergie et en se posant les bonnes questions puisque sa scolarité aura visé à lui donner les moyens d’intégrer la vie sans perdre de vue ce qu’est « un homme complet ».

Laure Lusseyran, 24 octobre 2022