Andreas Schleicher
Directeur de l’éducation au sein de l’OCDE, fondateur de l’enquête PISA et ancien élève
Avant-propos d’Andreas Schleicher à l’étude “L’expérience pédagogique dans les écoles Waldorf”, menée par l’Université de Düsseldorf
“Jamais auparavant l’éducation n’a ouvert de cette façon autant de chances de vie qu’aujourd’hui pour ceux qui sont bien qualifiés. Cette connaissance se traduit aussi par des attentes grandissantes des parents vis-à-vis des écoles et par une offre éducative de plus en plus diversifiée.
Cependant, pour relever les défis de l’avenir, il ne suffit pas que les écoles produisent plus de la même chose : par le passé, les écoles pouvaient supposer que les connaissances qu’elles transmettaient étaient suffisantes pour une vie de travail. Aujourd’hui, il est irresponsable de suggérer qu’un écolier aura un emploi à vie. Plus les gens doivent aujourd’hui assumer la responsabilité personnelle de leur planification de carrière et de leur sécurité économique et sociale, plus nous devons attendre des écoles modernes qu’elles renforcent la responsabilité et la faculté au changement. Ce qui compte aujourd’hui, c’est d’apprendre à accompagner la vie, la motivation et la faculté des êtres humains à élargir chaque jour leurs propres horizons dans une société et un monde du travail en constante évolution. Traditionnellement, les écoles ont mis l’accent sur les compétences analytiques, qui servent à disséquer les problèmes factuels, puis à résoudre leurs composantes à l’aide de compétences de routine. De l’autre côté, il est de plus en plus évident que les grandes percées et les changements de paradigme d’aujourd’hui se produisent le plus souvent lorsque nous parvenons à synthétiser différents aspects ou domaines de connaissances entre lesquels les relations ne sont pas évidentes au départ.
Les recherches présentées dans ce volume montrent que les écoles Waldorf sont bien positionnées pour cet avenir.
En outre, plus notre monde du travail devient complexe et plus la quantité de savoir codifié augmente, plus il sera important de disposer de personnes capables non seulement de comprendre cette complexité mais aussi de la rendre compréhensible pour des personnes d’autres disciplines. Les jeunes doivent être capables de se repositionner constamment dans un monde en constante évolution, d’agir de manière indépendante et responsable, de placer leurs propres plans et projets dans des contextes plus larges, de reconnaître et d’exercer de manière responsable leurs droits, leurs intérêts et leurs limites. Enfin, et ce n’est pas le moins important, les gens doivent être en mesure de nouer de bonnes et porteuses relations, de gérer et de résoudre les conflits, de participer de manière constructive à des sociétés multiculturelles et pluralistes. L’intelligence sociale, la sécurité émotionnelle et l’esprit fondateur sont les dimensions décisives.
Les recherches présentées dans ce volume montrent que les écoles Waldorf sont bien positionnées pour cet avenir. Le plaisir d’apprendre, la volonté de faire des efforts et l’auto-efficacité ne sont pas seulement des conditions importantes pour la réussite de l’apprentissage, mais ils sont devenus des facteurs clés à une époque où nous attendons des enseignants et des écoles qu’ils aident les élèves à trouver leur chemin dans un monde qui change toujours plus rapidement, qu’ils les préparent à une vie que nous ne connaissons pas encore aujourd’hui, qu’ils les aident à utiliser des technologies qui ne seront inventées que demain et qu’ils relèvent des défis stratégiques dont nous ne connaissons pas encore l’existence.
Dans les écoles Waldorf, l’objectif a toujours été d’individualiser les parcours d’apprentissage et de permettre aux élèves d’apprendre ensemble et les uns des autres.
Les comptes rendus de ce volume montrent aussi que dans les écoles Waldorf, une grande partie de ce que l’étude PISA souligne comme étant crucial pour le succès des systèmes éducatifs modernes est au programme depuis plus d’un siècle : traditionnellement, les élèves apprennent par eux-mêmes, dans le cadre de programmes d’études standardisés. Dans les écoles Waldorf, l’objectif a toujours été d’individualiser les parcours d’apprentissage et de permettre aux élèves d’apprendre ensemble et les uns des autres. Traditionnellement, les écoles utilisent le devoir en classe et les notes à des fins de contrôle, par exemple pour certifier la réussite et rationaliser l’accès à l’enseignement supérieur. La pédagogie Steiner Waldorf, quant à elle, met l’accent sur les retours motivant qui créent de la confiance dans les apprentissage et avec lequel des parcours et des stratégies d’apprentissage peuvent être développées et accompagnées.
Traditionnellement, les enseignants et les écoles ont été la dernière instance d’exécution d’un appareil administratif complexe. Les écoles Waldorf, par contre, doivent se mesurer à ce que l’école peut fournir en tant qu’unité autonome et pédagogiquement responsable, qui se concentre sur les progrès de l’apprentissage individuel et assume la responsabilité de ses résultats plutôt que de les décharger sur d’autres types/formes d’écoles ou sur des parcours éducatifs moins exigeants. Son succès sera mesuré à ce jusqu’où ses enseignants parviendront à mobiliser le potentiel de tout élève, à découvrir et à entretenir les facultés exceptionnelles d’élèves ordinaires, grâce à des formes d’enseignement et d’apprentissage qui ne sont pas établies par défaut, mais véritablement adaptées à chaque élève.”
Paris, Mars 2012
@credit photo Emilio Naranjo