La période d’arpentage
Introduction à l’art du géomètre
L’arpentage, réalisé par un géomètre, consiste à établir la cartographie précise d’un lieu. De nombreuses écoles Steiner Waldorf proposent à leurs élèves de Lycée ou de fin de collège une semaine ou plus de stage (souvent dans un site naturel) consacré à cette activité, dont une des grandes vertus est d’associer l’usage d’outils techniques pour la réalisation des mesures à la mise en pratique de concepts mathématiques comme la trigonométrie, le tout sous le signe du travail d’équipe.
Mesurer, vérifier, revérifier minutieusement, calculer, re-mesurer… Voici ce qui pourrait résumer à peu de chose près ce qui attend un élève de 10e classe lors du stage d’arpentage. Si à la fin du stage chaque élève apporte beaucoup de soin à la réalisation de sa carte, celle-ci ne fait pas apparaître la montagne de mesures et de calculs qui a rendu possible cette étape finale.
Bien souvent nous n’avons pas en conscience le travail considérable des cartographes quand nous déplions une carte pour nous orienter ou retrouver notre chemin. Après le stage d’arpentage, les élèves de 10e classe (16 ans) auront certainement un autre regard sur cet objet précieux, qui cumule des heures et des heures de labeurs de travailleurs acharnés sur le terrain et dans les bureaux…
Car en effet, une carte, c’est d’abord une foule de mesures, dont l’exactitude doit être telle qu’il faut les refaire plusieurs fois, afin d’assurer une précision maximale. Pour les réaliser, les élèves vont manipuler plusieurs appareils de mesure, souvent très exigeants, comme le théodolite, vedette de l’arpentage. La première journée sur le terrain se conclut fréquemment par des scènes de désespoir, où l’on réalise qu’une petite négligence a faussé le résultat d’une après-midi de mesures…
Mais la persévérance des élèves est souvent remarquable, surtout quand celle-ci est motivée par l’exactitude et la structure dans le travail, motifs phares de l’année de 10e classe (15-16 ans). Une semaine d’arpentage est un moment inoubliable pour un professeur qui découvre l’activité avec les élèves, car s’offre à lui une expérience étonnante : c’est la rigueur et la précision mathématique qui font autorité. Le travail préalable au dessin de la carte est impitoyable : les imprécisions de mesure doivent être minimales, celles-ci doivent être rigoureusement annotées sur des fiches suivant un protocole strict, sinon la phase d’exploitation qui s’ensuit est irréalisable. Un doute sur le résultat ? Une seconde d’inattention lorsque l’on relève la mesure sur la feuille ? Ce genre d’aléas fréquents en classe sont ici à bannir, car ils conduisent bien souvent les élèves à tout recommencer, c’est à dire redéployer les outils de mesure, dont le calibrage est déjà toute une activité en soi. Bref, l’arpentage est une activité propice à attaquer les nerfs et à vous porter tout un groupe d’élèves à ébullition… Et pourtant ! Quelle ambiance, quelle ténacité, quelle discipline, quelle application dans la mise en oeuvre des protocoles !
Il n’y a pourtant là rien de paradoxal, car un projet pédagogique comme l’arpentage, avec sa finalité concrète, sa faculté à conjuguer abstraction mathématique et expérimentation concrète sur le terrain, contient tous les ingrédients moteurs de l’enthousiasme pour les apprentissages à l’adolescence.
Clément Defèche – professeur de sciences à l’école Mathias Grünewald