“Nous étions à l’école Waldorf”
Les témoignages de 3000 anciens élèves analysés par la recherche universitaire
Une nouvelle étude universitaire massive confirme le haut niveau de satisfaction des anciens élèves Steiner Waldorf. Les quelques 3000 témoignages récoltés en Allemagne permettent également de mettre en lumière les points forts de cette pédagogie, et d’esquisser de précieuses pistes d’évolution.
“Nous étions à l’école Waldorf” est le titre de la nouvelle étude sur les anciens élèves Steiner Waldorf allemands, parue en Janvier 2021, menée par Dirk Randoll et Jürgen Peters, tous deux enseignants chercheurs à l’université d’Alanus (Bonn).
L’objectif : compléter et actualiser l’étude menée en 2007 à l’université de Düsseldorf sur le devenir des anciens élèves Steiner Waldorf, et leur perception de leur scolarité. La masse de données est impressionnante : près de 3000 anciens élèves ont été interrogés, autant pour recueillir des données factuelles (niveau d’étude, profession etc.) que leur vécu de leur scolarité (aspects positifs, aspects négatifs etc.). L’étude approfondit cette fois les différences de vécu entre différentes générations d’élèves (de 18 à 80 ans !), avec une majorité d’interrogés (60,4 %) âgés entre 18 et 40 ans au moment de l’étude.
Qui sont les anciens élèves ?
76 % des sondés ont effectué l’intégralité de leur scolarité dans une école Steiner Waldorf, à peu près autant d’hommes que de femmes. Ceux ayant terminé leurs études travaillent dans à peu près tous les secteurs d’activité, avec une prédominance dans les métiers sociaux, du soin et de l’éducation. La majorité d’entre eux (66 %) déclarent ne pas appartenir à un courant religieux particulier (ce qui est supérieur à la moyenne nationale), pour les autres il est essentiellement question de la religion protestante et catholique et d’un faible pourcentage à la communauté des chrétiens.
les anciens élèves Waldorf ont un intérêt supérieur à la moyenne pour le traitement des questions sociales et socio-politiques
Élément remarquable, les anciens élèves Steiner Waldorf semblent particulièrement engagés à l’âge adulte dans une vie bénévole associative ou politique : près de 40 % d’entre eux s’engagent (associations humanitaires nationales et internationales, militantisme écologique etc.) contre 15 % en Allemagne. La sensibilisation à la vie citoyenne pourrait-elle s’expliquer du fait des multiples stages et expériences sociales vécues à l’école Steiner Waldorf ?
“Dans l’ensemble, les résultats concernant l’engagement volontaire et politique indiquent que les anciens élèves Waldorf ont un intérêt supérieur à la moyenne pour le traitement des questions sociales et socio-politiques et qu’ils s’engagent socialement dans différents contextes – que ce soit dans une association ou dans un parti politique.”
L’étude s’interroge également sur la motivation des parents à scolariser leur enfant dans une école Steiner Waldorf, la raison principale (46 %) étant le projet pédagogique des établissements Steiner Waldorf, centré sur le développement de la personnalité de l’enfant par une approche holistique. Près de 16 % des parents ont choisi l’école Steiner Waldorf du fait de l’image de l’homme qui sous-tend ces écoles (33 % des parents connaissent l’anthroposophie). Près de 10 % des parents ont choisi l’école Steiner Waldorf car déçu par le système d’éducation publique en Allemagne. 17 % d’entre eux l’ont fait par “tradition” : parents travaillant dans une école Steiner Waldorf, frères et soeurs déjà scolarisés etc.
L’analyse segmentée par générations permet de faire apparaître l’évolution suivante : le nombre d’élèves achevant leur scolarité avec le baccalauréat allemand (Abitur) a continuellement augmenté ces dernières décennies, et atteint 71 % (la moyenne nationale étant de 47,7 %).
Un haut de niveau de satisfaction chez les anciens élèves
Près de 90% des anciens élèves répondent favorablement à la question “retourneriez-vous à l’école Steiner Waldorf ?”, et près des deux tiers des sondés ont scolarisé leurs enfants dans une école Steiner Waldorf ou ont l’intention de le faire : “ce constat met également en évidence le haut niveau de satisfaction et le degré d’identification généralement élevé à ce type d’école”.
La question “quels sont les points essentiels d’une scolarité Steiner Waldorf ?” a été largement commentée par les anciens élèves interrogés, et les réponses sont bien évidemment multiples. Néanmoins des tendances générales se distinguent très nettement dans le vécu, donnant globalement “une image remarquablement positive de leur passage à l’école Steiner Waldorf” : joie d’apprendre, retour positif de la diversité des activités pédagogiques, sentiment d’un accompagnement individualisé et personnalisé.
joie d’apprendre, retour positif de la diversité des activités pédagogiques, sentiment d’un accompagnement individualisé et personnalisé
Apparaît également très nettement ce qui semble être une force de la pédagogie Steiner Waldorf, à savoir sa capacité à créer des expériences sociales et conviviales fortes, notamment avec le soin apporté à la continuité d’un groupe classe au cours des années : “L’esprit d’équipe, l’aide et le soutien mutuels, la reconnaissance des capacités des autres élèves, la tolérance et le respect sont des éléments importants de l’apprentissage social. Dans ce contexte de convivialité positive, la personnalité des élèves a pu être valorisée à plusieurs niveaux. Les anciens élèves font état de l’influence positive sur leur confiance en soi, leur assurance, leur autonomie, leur curiosité et leur sentiment d’efficacité personnelle.”
Quelle évolutions attendues de la part des anciens élèves ?
Bien que la grande majorité des anciens élèves soient prêt à revivre l’aventure Steiner Waldorf s’ils devaient retourner à l’école, cela ne les empêche pas de savoir faire preuve de sens critique. C’est d’ailleurs un des objectifs de l’étude : permettre au mouvement pédagogique Steiner Waldorf de recueillir la perception des élèves et envisager ainsi de précieuses pistes d’améliorations.
Plusieurs élèves relèvent par exemple que la grande liberté qui est offerte à l’école Steiner Waldorf peut être à double tranchant, par exemple : “je suis également conscient que cette façon d’apprendre ne convient pas à tous les enfants. Parce que les enfants qui n’aiment pas apprendre, et à cause de la grande liberté et du fait qu’il n’y a pas de notes comme évaluation, peuvent très vite se perdre dans cette façon d’apprendre”.
L’expansion très rapide des écoles Steiner Waldorf en Allemagne a également posé le défi du recrutement d’enseignants suffisamment formés avant d’être placés devant les classes.
Rendre la pédagogie plus accessible à des enfants venant d’horizons plus diversifiés et de classes sociales défavorisées est également une préoccupation des anciens élèves.
Autre tendance constatée, les plus jeunes générations d’anciens élèves Steiner Waldorf sont plus nombreux à considérer certains éléments traditionnels de la pédagogie (ex : les paroles du matin ou certaines fêtes) comme appartenant d’avantage à un folklore qu’à de réels éléments pédagogiques porteurs.
Les anciens élèves font ainsi de précieuses recommandations pour l’avenir de la pédagogie Steiner Waldorf en Allemagne : mettre en relief les éléments satisfaisants qui ont pu faire leur preuve, mais ne pas s’enterrer dans une tradition pédagogique, c’est-à-dire reconsidérer certains contenus d’enseignement, et profiter des nouvelles découvertes méthodologiques dans le domaine de l’éducation, notamment dans l’usage des technologies numériques. Rendre la pédagogie plus accessible à des enfants venant d’horizons plus diversifiés et de classes sociales défavorisées est également une préoccupation des anciens élèves.
L’étude “Nous étions à l’école Waldorf” constitue un outil de travail prometteur pour les pédagogues Steiner Waldorf, à la fois parce qu’elle conforte ses fruits positifs, tout en donnant de précieuses pistes d’évolutions pour affronter le XXIe siècle.