Qualité ou quantité ?

Prendre le temps pour donner du sens

Catherine Defèche, ancienne professeure à l’école Steiner Waldorf des Trois Cailloux, défend dans ce texte une pédagogie qui prend le temps d’arriver à des connaissances profondément comprises, et surtout qui s’attache à l’épanouissement de l’être dans toute sa plénitude. Plutôt que d’accumuler très rapidement une quantité d’acquisitions scolaires, la pédagogie Steiner-Waldorf fait le choix de la qualité – prendre le temps de construire des bases solides qui donneront à l’enfant un sentiment de sérénité face à ce qu’il doit apprendre.


Parfois dans nos écoles, l’incompréhension est grande devant la lenteur d’acquisition des connaissances dans les petites classes de l’école primaire.
Effectivement dans les trois premières années tout particulièrement (classe 1 à 3, de 6 à 9 ans), les apprentissages dits fondamentaux semblent retenus et lents, alors qu’ils sont beaucoup plus rapides ensuite.
Quelles sont donc les intentions d’une telle pratique ?

Dans la pédagogie Steiner-Waldorf, avec les premiers apprentissages, nous rentrons dans un processus de qualité.
Qu’entend-on par qualité ? La qualité serait-elle d’assurer des connaissances rapides et efficaces aux enfants ?

La qualité dont on parle [..] constituera un terreau fondamental sur lequel se construiront ensuite des connaissances bien comprises, qui pourront alors être fulgurantes.

Ce n’est justement pas de cela dont il s’agit. Ne privilégie-t-on pas la quantité au détriment de la qualité quand on veut amasser le plus possible de connaissances pour atteindre des objectifs cognitifs précis et rapides ?
Excusez les parallèles, mais gaver et engraisser un animal pour qu’il soit rapidement mangeable et goûteux relève du même processus, mettre un engrais chimique pour que les poireaux au jardin soient plus gros, de la même manière… Efficace, certes, mais bien contre-nature, tout comme contre-nature le dressage d’un enfant que l’on veut gaver de connaissances indigestes ou tout simplement qu’il ne comprend pas…

La qualité dont on parle ne se conjugue pas en terme d’efficacité, du moins à court terme. Par contre elle vise bien le « développement durable », même si on sait que cette expression employée à toutes les sauces recèle bien des ambiguïtés !
Elle constituera un terreau fondamental sur lequel se construiront ensuite des connaissances bien comprises, qui pourront alors être fulgurantes, car déjà tellement bien intégrées. Elle donnera à l’enfant un sentiment de calme intérieur, de sérénité face à ce qu’il doit apprendre, l’engageant sur un chemin sûr et nourrissant.

Apprentissage des lettres à l'école Steiner
Une approche imagée et vivante pour apprendre les lettres

Alors à l’école, prenons le temps de regarder chaque lettre, de la faire vivre à travers une petite histoire, de la dessiner, de la former, de l’exercer pour que l’enfant s’en empare et la fasse sienne.
Prenons le temps de lui montrer ce qu’est le un, l’unité, l’indivisible pour qu’il en comprenne bien la nature. Puis le deux, la dualité, le trois… Prenons le temps de lui montrer que le plus grand nombre justement est le un, celui qui contient toutes les parties.

Tout semble lent et long, mais ce n’est pas du temps perdu, au contraire, c’est du capital amassé, et du capital de qualité, efficace sur le long terme.
L’enfant va pouvoir donner tout son sens à l’écriture, puis à la lecture.
Il va comprendre comment, à un certain moment, il va lui falloir rompre l’unité pour arriver à fractionner en toute connaissance de cause en quatrième classe.

Apprentissage des nombres à l'école Steiner
Prendre le temps de se lier à chaque nombre – le début du calcul dans la pédagogie Steiner-Waldorf

Cette pratique dans notre pédagogie, c’est comme un parcours sur les petits sentiers, les chemins fleuris, pour arriver tranquillement à destination, et aller sûrement, avec confiance et détermination, vers des connaissances profondément comprises et acquises, mais aussi vers un épanouissement de l’être dans toute sa plénitude, qui prime tellement sur l’avoir.

Dans notre société de consommation, si on regarde les normes actuelles de qualité des produits alimentaires, elles se conjuguent maintenant sous forme de lettres de A à E. Le radis de culture intensive va obtenir A, tandis que le poulet (le bien élevé, dignement et respectueusement) obtiendra un E. Cela pose question, quels sont les critères choisis?

Notre pédagogie a choisi ses propres critères : culture de la lenteur, compréhension profonde, mouvements accomplis, images vivantes, amour de la nature… amour de l’enfant.
Les études universitaires sur l’efficacité d’une telle pédagogie sont nombreuses et éloquentes.

Catherine Defèche, fondatrice et ancienne professeure à l’école Steiner Waldorf des Trois Cailloux