Contes, mythes et légendes à l’école primaire

Quelles vertus pédagogiques ?

Chaque jour, tout au long du cycle primaire dans un établissement Steiner Waldorf, des récits sont contés aux élèves par les professeurs. Lors de ce temps de « lecture offerte », l’enseignant raconte, recrée devant la classe l’histoire qu’il a préparé, qu’il s’est approprié et les élèves reçoivent ces images. Images issues du patrimoine culturel immatériel que constituent les contes, les légendes ou les mythes fondateurs et qui nous parlent, de manière imagée, de nos origines et de ce que nous sommes dans notre lien au monde, à nous-mêmes, au cosmos, au sacré.


Ces textes fondateurs, qui ont traversé les âges, porteurs de valeurs, véhicules du beau, du bien et du juste, chargés d’images positives sur l’être humain et son développement, ont une grande valeur pédagogique et sont importants à transmettre à plusieurs égards.

Nourrir le monde intérieur des enfants

Image conte primaire
Les contes véhiculent des grands idéaux et des questionnements universels

« Les histoires des contes merveilleux », écrit Jean-Marie Gillig, « sont irréelles, mais la vérité qu’elles mettent en scène est celle du monde intérieur des sentiments complexes et contradictoires »1. Ces histoires parlent des grandes inquiétudes et des grandes préoccupations humaines : les origines (homme, terre,…), le désir confronté à la loi, les différences (sexes, générations, …), l’organisation des groupes  sociaux, les sentiments devant les épreuves de la vie (amour, mort, séparation, …). Elles permettent de donner du sens à ce que les enfants rencontrent, de mettre des images sur ce qu’ils vivent ou sur leurs questionnements, et ainsi elles enrichissent leur monde intérieur et leurs représentations. Serge Boimare parle de « nourrissage culturel » lorsque l’on raconte quotidiennement un récit fondateur aux élèves, nourrissage qui est également à la base d’un bon fonctionnement de la pensée (et donc des apprentissages) 2.

Travailler des compétences multiples (écoute et expression orale)

Serge Boimare propose de faire suivre ce temps de lecture d’un temps d’échange oral puis écrit, ce qui se pratique également dans les écoles Steiner-Waldorf, lors du temps de récapitulation du lendemain. Le récit revit alors dans la bouche des élèves, dans un entretien entre eux et le professeur. Cet exercice essentiel peut prendre de multiples formes, de la fidèle redite des principaux éléments du récit à l’atelier philo. Par ce biais, les élèves découvriront au fil des années l’apprentissage progressif d’une culture du dialogue et de la formation du jugement.

Éclairer l’histoire des grandes civilisations

Les faits religieux sont étudiés […] pour comprendre telle société ou période dans son ensemble – Abdennour Bidar

Dessin histoire ancien testament
Les récits bibliques en 3ème classe

Les contes et les mythologies constituent un patrimoine extrêmement important pour comprendre les grandes civilisations. Celles-ci possèdent toutes un ou des grand(s) mythe(s) fondateur(s) sans le(s)quel(s) il n’est pas possible de comprendre ces civilisations dans leur intégralité. Ainsi, loin d’un enseignement d’une religion, les récits de l’Ancien Testament, les mythes nordiques ou grecs ou la Bhagavad Gita (parmi d’autres) sont racontés en tant que « faits religieux », c’est-à-dire comme « systèmes symboliques et comme pratiques individuelles et collectives qui, en voulant mettre hypothétiquement le monde humain en rapport avec un « au-delà », un « monde intelligible », ont eu comme effet tangible, observable, de participer à la structuration d’un édifice de civilisation « sensible ». Tous ces récits permettent de « mieux appréhender la richesse des différents héritages religieux de l’humanité, et de réaliser l’impact des faits religieux du passé et du présent sur le monde contemporain ».3

Des textes adaptés à l’âge et à la maturité de l’enfant

L’apport de la pédagogie Steiner Waldorf consiste en une observation de l’enfant : ainsi, le plan scolaire des écoles Steiner Waldorf propose pour chaque âge un certain type de récits. Il sont choisis en fonction des étapes de développement des élèves, de manière à trouver un écho avec les grandes étapes du développement collectif de l’humanité retracées dans les récits, et de leur potentiel de compréhension.

Dessin Roman de Renart primaire
Les récits animaliers en 2ème classe

Aux contes traditionnels, qui parlent d’une façon parfaitement adaptée à l’élève de 1ère classe de ses origines, suivront les légendes et les récits d’animaux en 2ème classe. Alors que les légendes de Saints et grands personnages racontent nos efforts vers le perfectionnement de soi et vers la maîtrise de notre humanité, les récits animaliers parlent d’animaux qui exemplifient les qualités ou les défauts que l’homme porte en lui : le renard rusé, le lion fier…

A partir de la 3ème classe vient le temps des grands mythes fondateurs : dans chaque classe se déploie une trame, une toile de fond faite des récits de la Genèse et de l’Ancien Testament, des mythologies celtique et nordique en 4e classe, des cosmogonies de l’Inde, de la Perse, de la Chaldée, de l’Égypte et de la Grèce en 5e classe avant l’Enéide et les légendes de la Rome antique en 6e classe. Chaque civilisation, chaque culture s’appuie sur un grand mythe et rencontrer ce mythe est indispensable pour comprendre ce que furent ces civilisations. Ainsi, ces histoires, racontées le plus souvent à la fin du cours de période, viennent en appui des cours d’histoire qui explorent les anciennes civilisations et les éclairent sous un jour différent.

Les mythes de l'Inde
Les mythes de l’Inde

Le choix des différents récits doit bien sûr être cohérent avec la culture du pays de l’école. A l’instar des fêtes, qui s’adaptent aux coutumes, traditions et religions locales, le pédagogue Steiner Waldorf va chercher dans les histoires du patrimoine de son pays  des thèmes et des récits équivalents, qui feront sens pour ses élèves. Plonger le regard vers le passé pour éclairer le présent et donner des pistes pour le futur, tel est le rôle éducatif de ces récits.

L’élève dispose ainsi d’un outil qui l’aide à trouver du sens à son existence.

Par cette ouverture, la plus objective possible à la diversité des visions du monde, l’élève se confronte tout au long de sa scolarité aux approches multiples de la vie et entre en contact avec le patrimoine spirituel universel de l’humanité. Le traitement pluridisciplinaire de ces récits dans les différentes matières qui peuvent les éclairer, l’histoire bien sûr mais aussi le français, l’histoire des arts ou la philosophie, nourrit la réflexion libre, l’esprit critique, la construction patiente de la personne. L’élève dispose ainsi d’un outil qui l’aide à trouver du sens à son existence.

Notes
  1. Le conte en pédagogie et en rééducation, Jean-Marie Gillig, Dunod
  2. L’enfant et la peur d’apprendre, Serge Boimare Dunod
  3. Pour une pédagogie de la laïcité à l’école, Abdennour Bidar