La partie rythmique

ou comment bien commencer une journée d’école

Dans une école Waldorf, du primaire et en règle générale jusqu’au lycée compris, la journée s’ouvre par le cours principal (ou cours de période) d’une durée de deux heures et dévolu à une matière et à l’étude d’un thème particulier pendant trois ou quatre semaines. Ce cours principal commence sur ce qui est communément appelé « la partie rythmique » dont la durée varie selon les âges et les besoins des élèves. Quel que soit le cycle concerné, la partie rythmique reste un moment de perception mutuelle et de mise en mouvement des élèves pour pouvoir appréhender le cours de manière dynamique.


Pour l’élève : un tremplin pour appréhender favorablement le cours principal en groupe classe

La partie rythmique scelle un moment d’accueil et de retrouvailles dans ce que l’on constate être la joie du « faire ensemble ». Elle permet, par exemple,  à chacun d’exercer sa voix lors d’un chant ou de la récitation d’un poème ou son geste (exercices de rythme engageant les mains et les pieds) dans la chaleur du collectif et dans un cadre qui échappe à l’évaluation scolaire.

L’élève peut également à cette occasion percevoir son professeur dans une autre compétence que celles liées à sa matière. Ainsi une professeure de mathématiques au collège par ailleurs professeur de yoga, fait-elle pratiquer certains exercices pour améliorer la concentration des élèves avant d’affronter la matière, tel professeur d’histoire de Lycée fait réaliser des enchaînements de mouvements croisés. Dans le Primaire, un professeur de classe accompagne le chant de ses élèves au son de sa flûte alors qu’un professeur de collège optera pour une guitare.

Quelle que soit l’activité proposée, l’optique reste la même : favoriser la sociabilité et les apprentissages qui suivent.

Pour le professeur :  une opportunité de perception et d’interaction avec la classe

La partie rythmique constitue également un moyen de perception supplémentaire de chaque élève après la poignée de main matinale : tel élève est vif et plein d’entrain, il faudra canaliser cette belle énergie tout en l’utilisant pour l’inviter à consolider un apprentissage, tel autre est fatigué, il importera de le ménager mais veiller à ce qu’il reste mobilisé, tel autre est en retrait et aura besoin d’être encouragé, etc.

En élargissant la perspective, on peut aussi voir la partie rythmique comme un moment pendant lequel l’enseignant accorde « les instruments-élèves » de sa classe à la manière d’un orchestre pour identifier la note fondamentale sur laquelle le cours va pouvoir être entrepris avec des élèves actifs, chacun à leur manière et en fonction de leurs possibilités du moment car à l’instar d’un orchestre, pour un ensemble expressif, le professeur a besoin de la voix d’un maximum des « instruments » qui composent sa classe !

Se laisser guider par les besoins du groupe classe

Ensuite  le choix de l’activité peut-être dicté par la nécessité de favoriser l’éveil du corps grâce à des activités rythmiques ou de partager des émotions pendant l’apprentissage d’un poème qui  d’ailleurs peut être aussi en relation thématique avec le cours qui va suivre comme, par exemple,  « Fleurs de feu » de J-M de Heredia pour introduire l’étude des volcans. Il constitue alors une entrée en matière artistique qui va accompagner le développement du thème pendant la période.

Elèves engagées dans un exercice de latéralisation
Elèves engagées dans un exercice de latéralisation, où elles frappent des mains en rythme selon une séquence donnée pour développer la concentration, le rythme et l’écoute

Ainsi dans le cycle du Primaire, la partie rythmique peut prendre jusqu’à une demi-heure dans le sens où y est inclus le travail sur l’oralité de la langue maternelle et des exercices essentiels de latéralisation. Au Collège et au Lycée, en revanche elle se réduit généralement à un quart d’heure.

Par la diversité des activités qu’elle encourage à mettre en œuvre, elle stimule le professeur à faire preuve de créativité. L’essentiel est qu’il soit au clair sur les buts recherchés : partager l’engouement pour un auteur en apprenant un de ses textes ou faire réaliser des origamis que les élèves iront ensuite offrir aux enfants de maternelle qui en retour les inviteront à partager un chocolat chaud. Deux moments de partage et de perception mutuelle à des échelles différentes avec dans le second exemple cité l’opportunité pour les plus âgés de revenir dans un lieu connu, riche en souvenirs et de mesurer le chemin parcouru…

Une pratique nécessaire mais pas obligatoire…

La partie rythmique ne s’inscrit pas explicitement dans les pratiques de la première heure de la pédagogie Steiner-Waldorf. Un professeur qui demandait comment commencer le cours de période se serait entendu répondre : « comme vous voulez. Par un chant ou un texte, par exemple ». Néanmoins, si on se montre attentif à la constitution de l’être humain, à sa manière d’être lié aux autres et à lui-même, on en vient à considérer ce type d’introduction d’une journée scolaire comme une nécessité. Nécessité qui reflète la précision des bases anthropologiques de la pédagogie Steiner-Waldorf. Cette pratique se révèle  particulièrement appropriée à notre époque où il n’est pas si simple d’être à l’aise dans son corps, avec soi-même et avec les autres.

Par Laure Lusseyran