Jeunes smartphone

Génération anxieuse

Les propositions partagées par la pédagogie Steiner-Waldorf pour réagir

Le livre « Génération anxieuse » de Jonathan Haidt vient de paraitre en français. Succès de librairie dès sa sortie en anglais, l’auteur y explique comment l’avènement du smartphone et des réseaux sociaux a causé un déferlement de souffrance mentale chez les jeunes. Il propose des solutions pour revenir à une enfance saine et source de bien-être, solutions qui sont déjà appliquées au sein des établissements Waldorf.

 


La crise de la santé mentale des jeunes

Jonathan Haidt documente la crise de santé mentale qui touche la génération Z (née après 1995).

Depuis 2010-2012, les taux d’anxiété, de dépression et d’automutilation chez les adolescents ont explosé, particulièrement chez les filles. Le suicide des adolescents a fortement augmenté. L’estime de soi et la résilience ont chuté, tandis que les troubles de l’attention ont augmenté.

A cette période, note l’auteur, les smartphones et les réseaux sociaux sont devenus omniprésents. Les écrans ont alors remplacé de nombreuses interactions physiques essentielles au développement émotionnel.

Le déclin de l’enfance basée sur le jeu

Le jeu libre dans un jardin d’enfants Waldorf

Qu’est-ce que cette enfance dominée par les écrans a remplacé ? Tout simplement ce qui depuis la nuit des temps a permis le bon développement cognitif, social et émotionnel des enfants (et plus largement de tous les jeunes mammifères) : jouer librement.

Dans une enfance du jeu, les petits passent la majorité de leur temps libre à s’amuser entre copains dans le monde réel, en pratiquant des activités incarnées, synchrones, seul à seul ou à plusieurs, dans des groupes ou des communautés que l’on rejoint ou que l’on quitte à un certain prix, ce qui pousse à s’investir dans ses relations.

Ce qui est tout le contraire des interactions virtuelles, qui sont désincarnées, asynchrones et qui ont lieu dans des groupes virtuels aussi simples à intégrer qu’à quitter.

Un autre changement a été la surprotection excessive des enfants dans le monde réel. Les enfants ont besoin de jeux comportant des risques, car ceux-ci leur permettent de surmonter leurs peurs, développer des habilités telles que l’aptitude à évaluer les risques, à agir de façon appropriée face à un danger, à gagner en confiance et en autonomie, à gérer les conflits. « La surprotection entrave ce développement et peut entrainer une fragilité et une anxiété accrue à l’âge adulte ».

A contrario, les enfants manquent de protection dans le monde numérique.

Nous plaçons nos efforts de protection au mauvais endroit. Nous devrions pousser les enfants à se confronter davantage au monde réel et retarder leur entrée dans le monde numérique, moins bénéfique pour leur développement, les garde-fous y étant presque inexistants.

Le passage d’une enfance basée sur le jeu libre à une enfance dominée par les écrans ainsi que la surprotection excessive des enfants dans le monde réel, combinée à un manque de protection dans le monde numérique constitue ce que l’auteur appelle “The Great Rewiring of Childhood” (Le Grand Recâblage de l’Enfance), affirmant que celui-ci a modifié le développement du cerveau des enfants et des adolescents de manière radicale et néfaste.

Le rôle des smartphones et des réseaux sociaux dans la transformation de l’enfance

La santé mentale des jeunes s’est dégradée car une enfance passée dans le monde numérique entraine quatre grands dégâts :

  • Privation sociale : Plus on passe de temps sur un écran, moins on a d’interactions humaines réelles, ce qui nuit à l’empathie et aux compétences sociales.
  • Privation de sommeil : L’utilisation du téléphone le soir perturbe le sommeil, ce qui aggrave l’anxiété, favorise les dépressions, l’irritabilité, augmente les difficultés scolaires… parmi d’autres conséquences néfastes
  • Fragmentation de l’attention : Les notifications et les vidéos courtes empêchent de développer la concentration. Cela peut interférer avec le développement des fonctions exécutives.
  • Addiction : Les réseaux sociaux exploitent les mécanismes de récompense du cerveau pour capturer l’attention des enfants.

Agir pour une enfance saine

L’auteur formule quatre réformes à privilégier pour inverser la tendance et améliorer la santé mentale des enfants et des adolescents

  1. Pas de smartphone avant le lycée
  2. Pas de réseaux sociaux avant 16 ans
  3. Des écoles sans smartphone
  4. Bien plus de jeux non surveillés et d’autonomie pour les enfants

Nous ne pouvons qu’être d’accord avec le constat et les propositions de l’auteur.  La pédagogie Steiner-Waldorf a à cœur de favoriser les expériences dans le monde réel et de proposer une éducation numérique adaptée à l’âge et aux besoins liés au développement des enfants.

Une expérience collective forte et constructive lors de ce voyage aux îles Féroe par les jeunes de l’Ecole de La Mhotte

Tout commence au jardin d’enfants où le jeu libre est l’activité principale du petit enfant, tant celui-ci est formateur pour son développement social, cognitif et émotionnel. Tout au long du cursus, la nature a une place prépondérante pour sa capacité à ancrer les enfants dans le monde réel. L’espace des établissements Waldorf est bien souvent aménagé de manière à favoriser le jeu libre des enfants dans un environnement naturel aux mille possibilités.

Plus tard, des expériences collectives fortes sont proposées aux jeunes, tels que ces voyages scolaires aux iles Féroé ou en Suède dans le grand Nord. Les travaux manuels, tels le tricot, la couture, le travail du bois, puis la forge et la dinanderie, permettent aux jeunes de se confronter à la matière, de mettre toute leur énergie dans la résolution de problèmes concrets et de mobiliser leurs aptitudes volontaires. Enfin, la progression des stages proposés aux adolescents de la 9ème à la 12ème classe (l’équivalent du lycée) est construite pour venir renforcer leur développement. Toutes ces expériences riches humainement et ancrées dans le monde réel leur permet de se mesurer à eux-mêmes, de grandir intérieurement, et de réaliser qu’ils peuvent être les acteurs de leur propre vie.

Au collège et lycée Waldorf, les téléphones, c’est dans la boite !

Quant aux téléphones, ils sont récupérés chaque matin par les enseignants, comme le préconise J.Haidt. Et ce depuis toujours.

Nous rejoignons donc l’auteur sur l’ensemble de ces propositions et encourageons parents et écoles à les appliquer.